Résumé de l'histoire héraldique de Gallargues et Gallargues-le-Montueux
Le blason de 1700 de Gallargues a été égaré. En 1980 lors du changement de nom Gallargues en Gallargues-le-Montueux la commune créa et enregistra officiellement le seul blason de Gallargues-le-Montueux. Mais il existait un premier blason ! Celui-ci, entre catholiscisme, protestantisme et mauvaise copie fut égaré. Jean-Claude Molinier, héraldiste depuis 35 ans et spécialiste des blasons du Gard vous relate cette aventure administrative rocambolesque.
Blason créé par la municipalité dans les années 1980 - Gallargues devient Gallargues-le-Montueux
Description officielle du blason de la commune de Gallargues-le-Montueux
« De gueules, à un coq d’or ; au chef cousu d’azur, chargé de trois rocs d’échiquier d’or.»
Blason créé par la municipalité dans les années 1980
Toponymie
Nom d’origine latine avec le suffixe « argues » qui signifie le domaine agricole de. Deux nom de propriétaires sont possibles:
Soit Gallus, une personne originaire de Gallie (La Celtie des Romains, dénommé Gaule depuis le XIXe siècle),
soit Galatus, une personne originaire de Galatie (Des Celtes installés autour de l’actuelle Ankara en Turquie). Gallargues est ainsi soit le domaine où vit le dénommé Gallus, soit celui où vit Galatus.
Le déterminant Le Montueux vient du latin “Montem”, le mont, le bourg se positionnant sur une butte.
Héraldique et symbolisme
- Le gueules (le gueules est un émail rouge) et l’or du coq sont les couleurs du Languedoc, situant le village dans sa géographie et son histoire;
- Le coq est la traduction phonétique de Gallargues, soit disant le pays des gallinacés, alors qu’en fait il s’agit du domaine de Gallus;
- Le blason de Gallargues-le-Montueux a été réalisé en reprenant les armes du roi de France;
- Le chef (le tier supérieur de l'écu, ici en bleu azur) évoque les armes du roi de France indiquant que le village a obtenu sa franchise municipale des mains de Philippe le Bel en 1295. Les fleurdelys ont été remplacées par des rocs d'échiquier;
- Trois rocs d’échiquier (représentant la «tour» dans le jeu d’échec) indiquent que le village est construit sur une butte rocheuse, ils sont également évoqués dans la devise communale;
- La couronne de tours dit que l’écu est celui d’une commune ; elle n’a rien à voir avec des fortifications;
- Le listel d’argent portant la devise de sable « Rubibus Firmior » (Plus fort que le roc) est placée en pointe de l’écu. Le roc en question est celui qui domine le village.
Précisions héraldiques et ajustements opérés:
Les effets d'ombre sont obligatoires pour visualiser les reliefs des différents composants constituant le blason. Ils sont toujours dirigés de l'angle du chef dextre à la pointe senestre.
L'écu est le premier affecté par cet effet d'ombre puisqu'il correspond au bouclier que porte le récipiendaire, représenté notamment par la couronne et les ornements qui sont le premier plan.
Le gueules est le premier niveau de l'écu, appelé champ, un peu comme un plateau sur lequel vont se disposer les éléments qui doivent apparaître en relief ; c'est la raison de l'ombre sur le coq et les rocs d'échiquier.
Le chef n’a pas d’ombre car il est précisé cousu, c’est à dire joint avec le champ sur le même niveau ; comme il n’y a pas d’épaisseur, il n’y a pas d’ombre.
Confusion héraldique et histoire du blason de Gallargues
Blasonné par d'Hozier
Le blason de Gallargues-le-Montueux a été oublié, ce qui explique pourquoi la commune en a réalisé un dans les années 1980, en toute bonne foi. La question qu’il faut se poser c’est comment est-il possible qu’un blason se perde et comment expliquer qu’il n’ai jamais été retrouvé jusqu’à aujourd’hui ?
Le blason de Gallargues a bien été blasonné par d'Hozier (Hozier est le juge général des armes et blasons), vous avez une copie de la trace écrite du tome 1 Languedoc conservé au cabinet des titres, Page 817, bureau de Montpellier, N°34, Août 1700 dans les figures qui défilent. Cette description a été dessinée une première fois (1697-1710 TOME 14 LANGUEDOC P641. mais en ajoutant des pierres maçonnées à la tour, ce qui n'était pas indiqué originellement. Un blason réalisé d'après la description d'origine est représenté dans les figures qui défiles.
Comment perdre un blason ?
Lors de l’attribution des armoiries sous l’Ancien Régime, le Collège d’Héraldique consignait ce dernier dans un registre et donnait un double au récipiendaire. Le 4 août 1789, l’Assemblée Constituante adopte le principe de l’Abolition des privilèges, tant des seigneurs que de l’église et des communautés d’habitants (L’ancêtre des communes). Le texte final sera publié le 25 août 1792. Dans de nombreux lieux en France se sera l’occasion de détruire irrémédiablement une somme considérable de documents anciens, de charges, de preuves de possession dont font partie les blasons. Seules échapperont à cette opération de destruction les archives royales parce que les jeunes députés en avaient besoin pour construire les fondations de notre nation républicaine. Il fallait une base documentaire sur les possessions des nobles, du clergé et du tiers état pour ériger le nouvel édifice où tous ces privilèges seraient supprimés. C’est donc tout naturellement que les communes naissantes perdront de vue leur blason, considéré à tort comme une marque de leur féodalité. Il faut attendre la loi de 1884 pour que les municipalités puissent à nouveau arborer leurs armoiries ; l’héraldique renaît mais avec des personnes qui ne sont plus les héritiers des codes anciens, la coupure a été trop longue et la science héraldique a perdu ses fondamentaux, phénomène qui perdure encore aujourd’hui. Les communes qui n’ont pas conservé leur titre, comme on peut le voir au musée de Pézenas pour le blason de cette ville, ignorent qu’elles en possèdent un ; dans plusieurs cas il y aura création de nouvelles armoiries qui n’ont aucune valeur car il ne faut pas oublier que seul le premier blason juste compte, sauf modification de la situation du lieu (Changement de nom, fusion ou détachement de territoires etc.). Il faudra attendre les années 1980 pour voir resurgir les armoriaux de d’Hozier, et plus tard ceux de ses prédécesseurs pour faire renaître dans plusieurs communes le blason perdu ; c’est très majoritairement ce qui s’est passé dans le département.
Si toutes les communes gardoises qui possédaient un blason l’ont retrouvé, qu’est-ce qui explique que Gallargues-le-Montueux reste de côté ? Ce cas est unique ; de toutes les recherches que j’ai pu faire, elle seule s’est retrouvée à ce point déviée. Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut se replonger dans l’histoire trouble du Languedoc au moment de la Réforme, quand la religion protestante prend racine dans la région de Montpellier et s’étend aux Cévennes et il faut admettre l’idée que les commis de d’Hozier se sont souvent mélangés les pinceaux.
Le point historique
Les premiers heurts auront lieu à Nîmes en 1560. La fin de la révolte protestante ne sera effective qu’en 1632, et encore il y aura des attaques contre eux de 1661 à 1683 où le roi Louis XIV cède au Clergé de France aboutissant à la Révocation de l’Édit de Nantes ; en 1702 on a la révolte des Camisards pendant deux ans. La persécution qui suit sera si féroce qu’elle marque à jamais l’esprit Cévenol. Pendant cette période de troubles, un état naît dans l’état ; les partisans catholiques restant dans l’organisation royale alors que les réformés s’organisent autour des foyers universitaires et commerciaux, comme Montpellier. Pour la zone qui nous concerne, celle de Gallargues-le-Montueux, on arrive au résultat que certaines localités du diocèse de Nîmes, dont les consuls s’organisent selon le roi, se détachent de fait pour se tourner vers Montpellier, parce que leurs seigneurs ont embrassés la cause des protestants. Gallargues-le-Montueux est de celles là, le seigneur de Mandagout y sera un bon élément puisque les trois quart de la population se convertira à la Réforme ; il demande même à Genève d’y envoyer un pasteur pour célébrer le culte ; le tout depuis le centre nerveux de Montpellier la Calviniste, au grand dam du conseil diocésain de Nîmes qui proteste officiellement auprès du roi de France. De plus, le bourg appartient à la baronnie de Lunel, pourtant du diocèse de Montpellier. De ces deux points découlent le fait que c’est au bureau de Montpellier, et non celui de Nîmes, qu’est enregistré le blason ; il est présenté plus haut.
Gallargues blasonné par d'Hozier
Une erreur du cabinet d'Hozier
Où l’on suppose très sérieusement une erreur c’est quand on découvre dans le tome 14 Montpellier-Languedoc l’enregistrement d’un blason pour la communauté de Susargues (D’azur, à saint Martin à cheval, partageant son manteau à un mendiant, le tout d’or) et d’un pour celle de Sussargues (De gueules, à une tour d’argent sur un rocher du même). Aucune communauté d’habitants n’ayant payé pour deux blasons, il y a donc deux villages au nom approchant : Sussargues et Susargues (Qu’Izarny Gargas a curieusement nommé Sudargues dans son ouvrage consacré au d’Hozier page 224). Sussargues est une commune de l’Hérault d’aujourd’hui dans l’ancien diocèse de Montpellier. L’enregistrement de son blason au bureau de Montpellier est donc tout naturel. Le mystère reste entier et ce ne sont pas les raccourcis pris sur certains sites « héraldiques » qui vont nous aider. On n’y comprend plus rien quand on sait que Sussargues porte le blason affecté à Susargues et ce depuis toujours. La réponse nous est donnée par les cartes anciennes et par les anciennes graphies de Sussargues qui nous donnent Susargues au 17° siècle. Donc c’est bien cette commune qui est dotée du blason à saint Martin sous le nom de Susargues. Mais alors qui est Sussargues ? Cette question a été pour moi, pendant de très nombreuses années, une véritable énigme. J’ai consulté toutes les cartes inimaginables et les tables des lieux anciens sans jamais trouver d’autre lieu de ce nom autour de Montpellier. Malgré ma proximité pour Sussargues, je n’ai jamais trouvé là matière à compréhension du blason au rocher à la tour; rien sur place ne fait penser à cela et Sussargues n’a jamais eu de château. En fait c’est le hasard total qui m’a conduit sur la piste me permettant de découvrir à qui a été attribué ce blason mystérieux. Au détour d’une ballade du côté de Villetelle, je passe à proximité de Gallargues-le-Montueux et là j’y vois la traduction parfaite de ce fameux blason à la tour sur son rocher. Nulle part ailleurs dans le secteur Montpelliérain on se trouve face à une telle correspondance d’images. Est-il possible que Gallargues(-le-Montueux) soit le Sussargues que personne aujourd’hui ne peut désigner avec certitude ?. Pourtant jamais Gallargues ne s’est écrit Sussargues. Oui mais:
- Gallargues était proche de Montpellier par ses seigneurs protestants et ses consuls se seraient tout naturellement inscrits dans ce bureau et non pas celui de Nîmes. D’ailleurs tous les enregistrements de personnes de Gallargues sont au bureau de Montpellier ; il n’y en a aucun à celui de Nîmes;
- Le village est bel et bien situé sur une colline au sommet de laquelle se trouve son château;
- C’est une communauté très peuplée pour l’époque dont les moyens financiers étaient bien supérieurs à la plupart de celles environnantes qui ont pu se payer un blason. Gallargues l’a donc forcément fait ; il est par conséquent très étrange de ne pas trouver cette communauté dans le d’Hozier.
Mauvaise copie de l'écriture curviligne
Alors, comment expliquer que Gallargues se retrouve écrit Sussargues dans le recueil blasonné de d’Hozier et coloré ainsi dans le manuscrit Languedoc-Montpellier ?; et bien il est fort probable que nom ait été mal écrit lors de l’enregistrement dans le bureau de Montpellier et lorsque les notes ont été compulsées dans les ouvrages définitifs et qu’il a fallu déchiffrer le nom, cela n’a pas du être possible. En recherchant des correspondances dans le diocèse de Montpellier, puisque c’est dans ce bureau que le blason est enregistré, le nom le plus approchant étant Sussargues, c’est ainsi qu’il est inscrit, créant un double artificiel à la communauté de Sussargues qui a déjà le sien.
Jean-Claude Molinier, héraldiste
Jean-Claude Molinier est héraldiste, depuis 35 ans. Il a réalisé gratuitement 650 blasons pour les communes qui n'en possèdaient pas et neuf pour le département du Gard. Il a écrit un ouvrage de référence expliquant tous les blasons communaux du Gard et les présentant tels qu'ils doivent être dessinés (pas encore publié en août 2022). Email pour le contacter: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.